20:25: «Je regarde de plus près les rapports du GEES, publiés à postériori et en anglais uniquement, nous dit Bernard Crutzen. Le langage utilisé est clairement celui des consultants.»

Hum, hum… Bizarre ?


 Et le réalisateur de poursuivre :  « Dans le premier rapport, on lit déjà que la crise ne sera sous contrôle que lorsqu’on aura immunisé une vaste majorité de la population via une campagne de vaccination à grande échelle.

Le texte évoque aussi le risque d’une deuxième et troisième vague. Ce rapport date du 14 avril [2020]. Comment les experts du GEES ont-ils pu anticiper deux nouvelles vagues, alors que ce n’est pas la norme ?»

https://pt.diaspodon.fr/w/5Zjg9aZiVzZAUTaFdhK1Ui

 

Grande question. Comment les experts du GEES (« Groupe d’experts en charge de l’exit strategy ») ont-ils pu anticiper deux nouvelles vagues, alors que ce n’est pas la norme ? Il semble y avoir quelque chose de très suspect, quelque chose de très mystérieux. Sauf que le réalisateur ne nous en dit pas grand-chose. Le spectateur est invité à faire preuve d’imagination et à deviner qu’elle est la thèse défendue ici.

Le rapport du GEES

Commençons par regarder ce que dit vraiment le rapport. Le passage cité provient de la première page du rapport en question, d’un paragraphe intitulé «1. The current crisis is a marathon»

«1. The current crisis is a marathon

The current crisis will not be fully under control until we have made the vast majority of the population immune through a large-scale vaccination. This means that we must prepare our society for a period of uncertainty that may last one year or longer. The current measures are not sustainable over this period from a psychological, social, economic & health perspective.

Therefore, we need to provide measures that can be implemented sustainably throughout the duration of the pandemic.

We will have to find a balance between a gradual restart of public life and the risk of a second or third wave, which our health system must be able to cope with. To convey this message correctly and clearly, a comprehensive and widely supported communication plan will be essential (…).»

En voici une traduction :

«1. La crise actuelle est un marathon

La crise actuelle ne sera pas totalement sous contrôle tant que nous n’aurons pas immunisé la grande majorité de la population par une vaccination à grande échelle. Cela signifie que nous devons préparer notre société à une période d’incertitude qui peut durer un an ou plus. Les mesures actuelles ne sont pas soutenables sur cette période d’un point de vue psychologique, social, économique et sanitaire.

Nous devons donc prévoir des mesures qui puissent être mises en œuvre de manière durable pendant toute la durée de la pandémie.

Nous devrons trouver un équilibre entre un redémarrage progressif de la vie publique et le risque d’une deuxième ou troisième vague, auquel notre système de santé doit pouvoir faire face. Pour faire passer ce message correctement et clairement, un plan de communication complet et largement soutenu sera essentiel (…).»

Vu dans son ensemble, le passage ne nous semble plus très mystérieux. La phrase concernée se révèle même franchement anodine lorsqu’elle n’est pas tronquée :

«Nous devrons trouver un équilibre entre un redémarrage progressif de la vie publique et le risque d’une deuxième ou troisième vague, auquel notre système de santé doit pouvoir faire face.»

Pas d’affirmation péremptoire. Juste un propos prudent, évoquant un risque, au milieu de considérations sur la pesée des intérêts et sur le besoin d’avoir des mesures soutenables sur la durée.

«Alors que ce n’est pas la norme»…?

«Alors que ce n’est pas la norme» nous dit le réalisateur. D’où sort cette affirmation ? De nulle part. Elle n’est étayée par aucune source sérieuse. C’est une affirmation complètement gratuite.

Nous avons aujourd’hui le recul, et nous savons bien que cette pandémie ne s’est pas arrêtée après ce que nous avons appelé la 1ère vague, dans la 1ère moitié de 2020. Et si nous fouillons dans les archives, nous voyons que les spécialistes du domaine craignaient l’arrivée d’autres vagues.

Plusieurs vagues, pour une pandémie, cela n’a rien d’exceptionnel.

Voici, par exemple, un extrait d’un article grand public, accessible à tout un chacun, publié en octobre 2020 :

«Rien de plus courant qu’un cycle épidémique. Les grandes maladies auxquelles l’homme a été confronté dans son histoire sont récurrentes. C’est une réalité à laquelle nos ancêtres étaient habitués. Ils voyaient ressurgir les maladies saisonnièrement, comme les mauvaises récoltes, tous les 5 ou 10 ans. La peste s’est arrêtée sans qu’on ne sache pourquoi… Les humains avaient-ils développé une immunité collective ? Ou les contaminations ont diminué toutes seules ?»

Nous pouvons encore rechercher ce qu’il se disait sur ces questions de vagues épidémiques avant l’arrivée du Covid.

Voici par exemple, un rapport du Sénat français, daté de 2010, intitulé «Mutation des virus et gestion des pandémies – l’exemples du virus A (H1N1)» :

« Une pandémie, en l’absence de mesures efficaces, évolue habituellement en vagues successives pouvant durer chacune de 8 à 12 semaines, séparées de quelques mois voire davantage. La pandémie pourrait également survenir en une seule vague avec un taux d’attaque élevé (35%) sur une période de plus de 12 semaines ; elle pourrait aussi se dérouler sur plus de deux vagues ».

Autre exemple, un rapport de 2006 du ministère de la santé du Québec, décrivant ce que serait une future pandémie de grippe :
«Le prochain virus pandémique serait présent sur notre territoire dans les trois mois suivant son émergence. Le premier pic de maladie pourrait se produire dans les deux à quatre mois suivant l’arrivée du virus.  La pandémie d’influenza se déroulerait en deux vagues ou plus. Chaque vague durerait de six à huit semaines au plus fort de son intensité.»

Le réalisateur affirme pourtant que 2 vagues ou plus, lors d’une pandémie, ce n’est pas la norme. Cette affirmation, gratuite et glissée à la va-vite, a le grand mérite de lui permettre de lâcher un sous-entendu lourd de soupçons.

Y’a-t-il eu une 2ème vague ?

La question nous semble absurde aujourd’hui. Mais une bonne partie des «experts» qui nous sont présentés favorablement dans le film avaient passé l’été 2020 à nier le risque de 2ème vague et à soutenir que l’épidémie était terminée : Matteo Bassetti, Yoram Lass, Pascal Sacré, Didier Raoult, Christian Perronne, Michaël Levitt, Luis Miguel Benito de Benito, etc.

Et le réalisateur lui-même avait nié cette 2ème vague. Par exemple, le 15 octobre, il était interviewé par le journal L’Avenir :

«La ‘première vague’ du Covid, le réalisateur n’en nie pas les dégâts, l’hécatombe. Mais la ‘seconde vague’ actuelle, il n’est pas d’accord. ‘On teste 20 000 personnes par jour et on parle d’une relance de l’augmentation des contaminations. Les tests ne déterminent pas qui est malade, mais qui est positif.»

Le film lui-même est très ambigu sur la question. La 2ème vague n’est pas ouvertement niée. Mais il y a une multiplication de sous-entendus et d’informations tronquées allant dans ce sens. Nous pouvons citer en exemple la scène tournée dans le service des soins intensifs le 7 octobre 2020 (le réalisateur illustre cette 2ème vague avec des images tournées 1 mois avant le pic des hospitalisations) et la scène où cette 2ème vague est comparée à la grippe saisonnière (avec un extrait du JT du 22 octobre, arrangé à sa manière).

Les experts ont fait leur travail ? Voilà qui est suspect !

Nous pourrions (et nous devrions) nous demander pourquoi est-ce que certaines personnes ont nié l’arrivée de cette 2ème vague. Or le réalisateur inverse habilement le problème. Ainsi, ce qui apparaît comme étrange, voire suspect, c’est que des experts travaillant dans leur domaine posent des hypothèses qui s’avèrent pertinentes.

Imaginons que, en plein mois de janvier, des météorologues annoncent un risque de grand froid dans les montages des Alpes Suisses. Et imaginons qu’un journaliste n’accorde aucun crédit aux météorologues, mais qu’il se fie à une diseuse de bonne aventure, armée de sa boule de cristal, qui aurait prédit des températures dignes des tropiques. Et, imaginons que le grand froid arrive effectivement. Que devrait faire alors notre journaliste ? Se questionner sur la confiance qu’il a accordée à la diseuse de bonne aventure ? Ou s’en tirer avec une formule pleine de soupçon et de sous-entendus telle que «Comment les experts du Météo Suisse ont-ils pu anticiper des journées de grand froid en janvier dans les Alpes, alors que ce n’est pas la norme» ?

Cela semble délirant, mais c’est pourtant bien ce qu’il se passe dans cette scène du film.

Grompf

PS: Précisions que, pour le présent texte, le point de départ de nos réflexions provient d’un passage d’un article de L’Écho (8ème point : «Si les experts prédisent l’avenir, c’est qu’ils ont un agenda caché.»)